"Ni les Femmes ni la Terre !" est un projet documentaire réalisé en Argentine, Bolivie et Chili par trois jeunes femmes françaises. Nous venons d’horizons variés : milieu de l’audiovisuel et de l’art ; sociologues du genre et militantes féministes, travailleuse sociale spécialisée sur les violences de genre. Nous avons décidé de construire ce documentaire comme un voyage en itinérance autour des luttes ayant trait au corps et au territoire. Le film s'intitule "Ni les Femmes ni la Terre !", en référence au slogan écoféministe latinoaméricain " Ni les femmes ni la terre ne sommes un territoire de conquête ! ". En effet, des féministes indigènes d'Amérique Latine ont élaboré le concept de terre-corps-territoire afin de mettre en évidence le parallèle entre les logiques d'appropriation capitaliste/colonialiste et patriarcale de la Terre et des corps des femmes, compris comme potentielles sources de profits. Le fil rouge de ce documentaire est l’autodétermination et l’autogestion des corps, des territoires, des communautés et des luttes. Notre récit débute en Argentine, pays qui s’est relevé depuis les années 80 d’une dictature et, à partir de 2001, d’une crise économique féroce. Souvent représentée comme un exemple de « miracle économique », aidé par un gouvernement sociodémocrate, l’Argentine est connue pour être particulièrement en avance en termes de droits des minorités sexuelles, notamment en ce qui concerne les droits des trans. Cependant, rapidement, une autre réalité se fait jour. On remarque que, dans beaucoup de situations, les logiques de profit et d’appropriation priment sur les droits humains. Un corps-territoire exploité Dans un premier temps, il s’agit de réaliser un court panorama de la situation actuelle, et de mettre en lumière différents modes d’appropriation et de marchandisation de la terre et des corps des femmes. C’est par le biais d’interviews avec des militantes, chercheuses, journalistes, et témoins/victimes, que le constat s’élabore, accompagné de prises de vue des territoires concernés. Nous nous rendons dans des communautés affectées par les conséquences néfastes de projets extractivistes (maladies, malformations, pollution de l’air, du sol, de l’eau…). Nous abordons le thème de la traite des femmes, des féminicides et plus généralement des violences envers les femmes. Un corps-territoire en résistance La deuxième partie est l’occasion d’un questionnement sur les formes de résistance possibles aux logiques d’appropriation du corps-territoire. Il s’agit de comprendre comment s’organisent les luttes : avortement, résistance des peuples indigènes au saccage de leurs terres et à la répression, organisation communautaire féministe contre les violences… Cette partie est l’occasion d’explorer les attentes de différents mouvements par rapport à l’Etat et l’autorité publique, entre protection, corruption, cooptation. La notion d’autogestion – autodétermination apparaît, et est discutée, questionnée, par des avorteuses, musiciennes, artistes, formatrices en éducation populaire, activistes, mais aussi militant-e-s indigènes et écologistes, qui se relaient et se complètent pour élaborer une réflexion autour de l’autonomie des femmes par rapport à leur corps, des peuples par rapport à leurs territoires, l’espace public, la notion de contrôle du corps inhérente aux violences de genre… Et ensemble, forment une mosaïque des luttes féministes et écoféministes en Argentine. Un corps-territoire en création Après avoir exploré les formes de résistance dans la deuxième partie, la troisième partie est celle de la construction d’alternatives de vie. Il s’agit de poursuivre le cheminement sur l’appropriation et la réappropriation du pouvoir d’agir sur sa vie, communautaire ou individuelle. On partira à la rencontre de celles (et ceux) qui inventent des formes de récupération, extension, épanouissement du corps-territoire : souveraineté alimentaire, écoconstruction, transition écologiste, par le biais de l’agroécologie ; propositions artistiques autour du corps-territoire ; formes expérimentales/alternatives de vie et de relation entre soi et avec l’environnement, qu’elles prennent racine dans l’organisation communautaire traditionnelle de peuples indigènes, ou dans des perspectives plus libertaires. C’est l’occasion d’une réflexion sur les conditions de possibilité de ces autres modes de vie. |